[INS: :INS] La nostalgie publié le 31 août 2012 1 min -- 85 Lorsqu’elle n’est que le mal du pays, la nostalgie paraît soluble dans l’espoir. Les larmes d’Ulysse prisonnier des sorcières sécheront avec le retour à Ithaque. Le chant du cygne est un chant de joie quand, avec -- une mélodie quand sonne l’heure du retour à l’unité. Autrement dit, tant qu’il est possible de revenir à Ithaque, tant qu’elle ne désespère pas de dissiper l’absence, la nostalgie n’est qu’un mal provisoire, une promesse de bonheur qui transforme la Bible en cadastre et la mémoire en horizon, un faux problème dont la solution revient à retrouver – ou -- est trompeur, l’extase fugace et le retour décevant. Parce qu’elle est une maladie du temps dont, à cet égard aucun lieu ni palais n’atténue l’amertume, la nostalgie a toujours un coup d’avance. Plus que la souffrance de la perte, la nostalgie – étymologiquement la « douleur du retour » – désigne la déception des retrouvailles. Qu’arrive-t-il à Ulysse, une fois qu’il est rentré chez lui après vingt ans d’absence ? -- soleil ; tout a changé, comme d’habitude. Ithaque n’est plus ce qu’elle était, Pénélope a vieilli, le petit chien est mort et plus personne ne demande à Ulysse de raconter ses aventures… La nostalgie, c’est la fin de l’histoire. -- jamais de grand retour puisque nul n’est jamais vraiment parti : la patrie perdue n’est que le prête-nom d’une mémoire sans souvenirs. Quand elle arrive à son terme, la nostalgie n’en est qu’à ses débuts. La nostalgie n’est pas la peur de mourir, mais la peur de continuer à vivre. Avec la fin du voyage commence l’errance. Quand elle accepte d’être immotivée, la nostalgie prend la forme littéraire ou musicale d’une quête dont, surmontant les disparitions, l’enjeu est d’affirmer l’éternité précaire, l’éternelle nouveauté, de -- À l’inverse, quand elle est sinistre, inattentive, satisfaite et non joyeuse, la sexualité masculine est l’image par excellence d’une nostalgie qui se prend pour un souvenir. À quoi jouent les hommes qui font l’amour sans amour ? À s’unir pour de faux. Que singent les grognements ? L’animal que l’homme n’est plus. Où vont les -- guère quand on les a. « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait », dit l’adage. Paul Nizan allait même plus loin, au début de son fameux roman Aden Arabie (1931), en dénonçant une nostalgie illusoire : « J’avais 20 ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » Pourquoi ? -- métaphore de ce que nos sociétés ont le sentiment d’avoir perdu en accédant à la modernité : un monde d’avant (la révolution industrielle, la laïcisation et l’individualisme), d’où la nostalgie d’une société « enchantée » et fantasmée. Mais de quoi cette nostalgie est-elle le nom ? Tristan Garcia : Tolkien et le mythe du désenchantement -- septembre 2008 Baguette tradition, la nostalgie du futur août 2012 1. Accueil-Le Fil 2. Articles 3. La nostalgie Philosophie magazine n°165 - décembre 2022