* Monde La nostalgie est-elle un poison? Dangers et ouvertures psychologiques La nostalgie est-elle un poison? Dangers et ouvertures psychologiques 31 Octobre 2016, par Pierre-André Bizien | Société L’opinion médiatique dominante assimile la nostalgie à un état d’esprit négatif, immobiliste, sinon suspect. Est-ce justifié ? Cette question n’est pas simple à résoudre. Ce qui relève du tréfonds occulte de la -- quelconque fait social. En premier lieu, il convient de définir la nostalgie, et c’est dès ce moment que la procédure déraille. Il s’avère en effet que le terme n’a jamais été clairement "domestiqué" par la langue française. La nostalgie est un mot gras, spongieux, composé de mille états de langueur mélancolique. D’étymologie grecque, la notion est traditionnellement associée au mal du pays, à un exil affectif, aux -- du devenir. A l’état brut et sans mélange, la nostalgie peut s’avérer le pire opium qui soit : une dose de douceur artificielle qui vous transporte dans un arrière-monde recomposé par la conjonction du souvenir et du désir. Le syndrome du fétichisme affleure alors, bientôt suivi par le vertige idolâtre. La nostalgie peut dès lors déboucher sur le passéisme, le traditionalisme, la réaction. Présent et futur sont disloqués sous le socle d’un passé perpétuel ; les symptômes du pourrissement organique apparaissent alors sur l’appareil mental de l’individu concerné. Comprise dans ce cadre, la nostalgie peut être qualifiée de faute morale majeure, puisqu’elle brise le devoir d’enthousiasme et de responsabilité requis de la nature humaine face à l’avenir. Elle est -- s’approfondissent aux environs de la lucidité, lorsque les premiers pièges ont été dépassés. Une question n’est jamais résolue parce qu’on l’a mise en perspective. La nostalgie est une réalité plus complexe et plus vaste que sa contexture mondaine. -- recherche du vrai. La guerre intellectuelle est structurée par le label du progressisme, enjeu narcissique par excellence. Dans ces conditions, la voie souterraine qu’offre la nostalgie pour rallier la dimension charnelle de notre histoire est obstruée. Ici, Régis Debray nous avertit justement : «Aujourd’hui, si la nostalgie est moquée, elle l’est par des gens qui n’aspirent qu’à changer un peu les choses pour que rien ne change. La nostalgie, c’est le grand coup de pied au cul des amnésiques» (Marianne, 17 octobre 2015) En effet, la nostalgie a cette vertu paradoxale de nous extraire de la mêlée aveugle du momentané par le biais romantique ; dès lors, elle est potentiellement porteuse de lucidité, en ce sens qu’elle permet « -- «Ce que l'on appelle vulgairement nostalgie n'est pas ce qui tire en arrière, mais ce qui pousse en avant les hommes d'action, et en particulier les révolutionnaires. (…) Par chance pour notre pays, les révolutionnaires de 1789 ont eu la " nostalgie " de la République romaine» (Message à François Hollande, 0ctobre 2016) -- La nostalgie offre la possibilité de mobiliser une mystique, pétrie de sang et de héros idéalistes qui ont jadis déclaré la guerre au fatum. Elle est force d’avenir comme elle peut demeurer ombre du passé. La nostalgie oscille toujours entre résistance et réaction : c’est à ceci que l’on devine sa dimension dramatique, son ambiguïté éthique. -- Les opposants déclarés à la nostalgie oublient généralement que l’humanité ne vit pas que de pain et de jeux. L’identité lui est une préoccupation vitale, dont dépendent les "repères" structurants pour les générations en formation. On ne dépasse utilement que ce qui est déjà imposant, intimidant : sans humilité préalable, le progrès mute en enfer déshumanisant. Les ressources spirituelles de la nostalgie permettent à l’âme humaine de s’éduquer, de dégrossir ses aspirations spontanées. Une autre ligne de partage apparaît au cœur de la nostalgie. Il s’agit de l’opposition entre la solitude et l’isolement, deux manières inverses de vivre sa nostalgie : -- l’immédiateté est réelle. Or, le passé comme le futur sont des temps réels. Le rapport que la sphère intellectuelle entretient avec la nostalgie est spécieux dans cette même mesure. Plutôt que d’utiliser mécaniquement l’expression « en temps réel », nous pourrions avantageusement corriger : « en temps direct ». Cette option semble -- Parallèlement, la nostalgie n’est pas nécessairement ce qui est "mort", froid, révolu, enterré. Elle est une dimension profonde de la solidarité humaine au travers des âges, une fraternité noble qui