Sylvie de Nerval : un récit nostalgique ou ironique? Sylvie : nostalgie ou ironie?[1] -- détache du Dernier Feuillet), ce sentiment d’une plénitude enfuie (« Baisers volés … ») qu’il contemplerait avec attendrissement et que le récit serait voué à nous exposer platement : la nostalgie. La nostalgie, c’est le succès assuré : nous savons tous que la littérature a une dimension existentielle, qu’elle nous aide à penser notre existence, et pour qu’elle remplisse cette fonction il -- l’insatisfaction sont une dimension essentielle de l’existence des gens de bonne foi (« essayer encore pour échouer mieux », comme dit à peu près Beckett), et que le ratage attise la nostalgie, il est commode de lire Nerval ainsi ; et comme le romantisme est suspect de complaisance et de pleurnicheries (c’est le nom que donnent au lyrisme – « T’en -- permet de déstabiliser en permanence son propre texte, son propre point de vue, très loin de l’inertie et de la platitude qui caractérisent la nostalgie : quelqu’un qui nous apprend que le temps vécu ne doit pas être contemplé, comme dans la nostalgie, mais travaillé, comme dans son récit, et que même ainsi, la conscience parvient difficilement à statuer sur lui. Précisons un peu les lignes de clivage entre nostalgie et mélancolie. Dans la première, la perte est référencée, identifiée, tandis que dans la seconde elle est diffuse et recouvre en fait les insuffisances (historiques ou métaphysiques) du réel. La nostalgie est univoque, simple, quand la mélancolie (chez Nerval) est un point d’équilibre instable entre l’abandon à une illusion dangereuse et -- récit. Prenons un exemple : celui de la « réincarnation » de la tante d’Othys en Père Dodu. Le chapitre 6 est indéniablement plein de nostalgie, et même d’une double nostalgie ; celle d’abord du narrateur Gérard qui a vu là de près le bonheur sous la forme d’un simulacre qui promettait le mariage avec Sylvie, et cette promesse (un avenir donc, -- Saint-Exupéry) nous a expliqué que ses amis et lui ne toléraient les femmes qu’à l’état de rêverie sublime et surtout pas à l’état de corps saisissable. Deuxième cran : la nostalgie de la tante, qui est bouleversée par le simulacre qu’ont organisé les deux jeunes gens, en qui elle se revoit en compagnie de son époux le jour de son mariage -- Mais comme Nerval se méfie plus que tout de l’automystification (donc de la nostalgie), il dispose un premier contre-feu ironique : un excès rhétorique qui « troue » le texte et crée une distance (« Ô jeunesse, Ô vieillesse sainte ! – Qui donc eût